Roxanna décripte BERNARD, le GEANT !

Roxana Maracineanu livre dans L'EQUIPE une très belle analyse sur l'exceptionnelle performance d'Alain Bernard et sur sa progression fulgurante depuis deux ans. Elle décortique "l'alchimie" qui amène un athlète à devenir un champion. Un grand champion.

Comment expliquer qu'en trois courses, dans des championnats d'Europe préparatoires aux qualifications françaises pour les Jeux Olympiques, Alain Bernard explose deux fois de suite le record du monde de l'épreuve reine de la natation ?

Alain a avant tout su tirer bénéfice de la situation, d'une compétition où ses concurrents européens, qui sont par ailleurs favoris pour les JO de Pékin, étaient en pleine période de préparation.
En se reposant juste sur ce qu'il fallait pour jouer de cette différence de timing en sa faveur, Bernard s'est donné enfin la possibilité de s'exprimer dans une course où la densité est telle que le plus difficile est de faire sa place dans la vraie course, celle du soir.

Mais si la situation, seule, suffisait...
Non, Alain s'est construit. Son ambition, Alain l'a longtemps cuite à l'étouffée sous le couvercle d'un système de qualifications français intransigeant et très difficile pour les compétitions internationales.
C'est à mon avis ce qui explique aussi, en plus de son travail et de ses qualités naturelles, que sa progression puisse paraître surprenante.

Alain s'aligne sur une épreuve qui demande de la maturité physique et psychologique pour réussir au plus haut niveau, c'est plus facile d'être bon à 23 ans qu'à 18.
Il n'est sous les feux des projecteurs que depuis deux ans alors qu'il travaille sa course depuis bien plus longtemps.
Deux ans qui lui ont finalement suffi parce qu'il a peut-être franchi le cap du haut niveau juste au bon moment.

Au moment où il était le plus réceptif à emmagasiner de l'expérience. Au moment aussi où il avait le plus la rage, l'envie de réussir et une fraîcheur dynamisante.
Mais si l'envie, seule, suffisait...
Non, ce qui frappe en le voyant réaliser son exploit, c'est la puissance qu'il dégage dans l'eau.
Elle se situe - et c'est la spécificité de sa technique - très en amont de la phase de propulsion juste à l'avant du "bateau".
On visualise bien une traction parfaitement efficace dès le début de son mouvement de bras, alors que ses concurrents prennent appui sur l'eau légèrement plus tard.
Cela lui permet de déjauger plus facilement, donc d'offrir moins de résistance à l'avancement, lui qui a par ailleurs une morphologie qui l'aide à flotter naturellement sur le haut du corps.
Sa cage thoracique très développée, qui une fois pleine d'air, lui facilite évidemment la tâche, aussi côté respiration pendant l'effort.

Des caractéristiques physiques et techniques qui demandent bien évidemment à être repérées et travaillées pour pouvoir être exploitées à leur maximum.
C'est ce qu'Alain fait depuis maintenant huit ans avec son entraîneur Denis Auguin.
Une collaboration proche et une fidélité à toute épreuve puisque le nageur a suivi l'entraîneur lorsque celui-ci a quitté en coup d'éclat le club de Marseille il y a deux ans, pour celui d'Antibes.
Là, il y a côtoyé de près Franck Esposito, dernier grand champion français en date et aujourd'hui manager du club, qui a contribué à donner à ce couple entraîneur-nageur l'ambition des plus lointains horizons sportifs.

Mais si la technique, seule, suffisait...
Non, Alain a appris de ses erreurs.
Bernard a réussi à passer le cap des qualifications françaises seulement en 2006, et a continué encore cette année-là à performer, tapi dans l'ombre de deux Français leaders sur ses deux courses de prédilection, Bousquet sur 50 m et Leveaux sur 100 m.

Eux ne brillent pas dans la compétition internationale, les Championnats d'Europe de Budapest, alors que Bernard y laisse son empreinte sur 100 m : un passage à mi-course qui se rapproche de sa toute meilleure marque au 50 m.
Il craque à 60 m de l'arrivée, arrive 8e, on le prend pour une tête brûlée.
Six mois plus tard, aux Mondiaux de Melbourne une erreur de jeunesse le prive d'une finale dans laquelle il aurait déjà pu faire ses premiers pas internationaux : il ne veut pas partir favori le soir, ligne 4 alors il préfère laisser passer Magnini à la touche dans sa demi finale.
C'était sans compter avec les huit autres demi finalistes qui le relèguent à la neuvième place, aux portes de la finale.
Un championnat du monde pour du beurre ça donne la rage.

La rage de ne jamais avoir exprimé son réel niveau.
Il voulait profiter de sa troisième compétition internationale, la dernière avant les Jeux Olympiques pour s'affirmer pour de bon comme partie prenante du combat qui l'attend à Pékin.
C'est fait.
«Avec l'art et la manière» comme il l'a dit lui-même.»

Roxana MARACINEANU

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