Un très bon article de l'express.fr, rédigé par Christophe Dutheil (L'Express) et Mariana Losada (Convergences2015), illustrant parfaitement que l'épanouissement professionnel dépend en premier lieu du sens que l'on donne à son action quotidienne, et ce, même dans certaines grandes entreprises du CAC 40 !
Sur fond de crise économique, concilier carrière et solidarité devient une priorité pour un nombre croissant de salariés et de cadres dirigeants.
A l'heure du développement durable, l'intérêt du travail compense des rémunérations moindres.
Analyste financier solidaire, responsable du commerce équitable, auditeur d'ONG et d'associations... autant de métiers nouveaux et de fonctions hybrides qui réconcilient carrière et solidarité. Fahad Shadeed/REUTERS
Financier solidaire, commercial vert, acheteur responsable...
Le développement durable entraîne l'émergence de nouveaux métiers et la transformation de fonctions traditionnelles.
Managers, consultants et chefs d'entreprises racontent un quotidien où compétences professionnelles, performance économique et engagement sociétal sont réconciliés.
Le rêve pour qui veut donner du sens à son travail!
L'Express et Convergences2015 ont rencontré une quinzaine de ces pionniers aux nouvelles frontières du business et du social.
S'il n'est pas question d'eldorado de l'emploi, mais plutôt encore de postes confidentiels pour une élite triée sur le volet, il n'empêche que ce tour d'horizon par métiers et fonctions s'avère vivifiant et porteur d'espoir.
Hybrides : des financiers solidaires
Investissement et solidaire ne sont pas incompatibles.
En témoigne le parcours d'Emmanuel Gautier, 41 ans, gérant en épargne salariale et solidaire chez Natixis Asset Management (Natixis AM).
Juste après son entrée dans la société de gestion en 1998, cet analyste financier s'oriente vers l'investissement solidaire.
Diplômé de l'université Paris-Dauphine et de la Société française des analystes financiers, il aurait pu voler dans les sphères de la lucrative Haute Finance.
Mais pour celui qui s'interroge depuis ses années d'études "sur le sens au travail et sur les stratégies d'ancrage de la finance dans la sphère réelle", ce tournant constitue "un vrai choix".
Aussi est-il tout naturellement de l'aventure quand Natixis AM crée le premier fonds d'épargne salariale solidaire ISR (Investissement socialement responsable), en 1999; puis quand le Groupe renforce ses activités de Finance Solidaire "pour accompagner des réalisations concrètes sur les territoires".
Aller sur le terrain permet de mieux informer le consommateur.
Ici, un producteur de cacao de la coopérative péruvienne partenaire d'Alter Eco, distributeur de produits équitables. E. Garnier
La croissance à venir sera "moins quantitative et plus qualitative et partagée, estime Emmanuel Gautier. Elle sera, en outre, le fruit d'un travail concerté entre des spécialistes venus de tous les horizons financiers: gestion de portefeuilles, analystes, fundraisers...".
De quoi voir se multiplier les profils hybrides entre finance et solidarité.
Glamour : des commerciaux verts Dans certaines entreprises, même le commercial pur et dur est en train de prendre un coup de vert.
Cela permettra-t-il de redonner du glamour à ces métiers peu prisés des jeunes diplômés?
De nouveaux types de parcours de carrière, hybrides, apparaissent ...
En tout cas, Fanny Girard, 34 ans, a sauté le pas.
Après une expérience de six ans comme commerciale "classique" chez Unilever, Saint-Gobain et Renault, cette ancienne de l'Essec a rejoint le comité français de l'Unicef au poste de responsable des collectes de fonds via des réseaux de distribution classiques que sont la VPC, les partenaires... mais aussi avec l'aide de réseaux de bénévoles, raconte Fanny Girard.
A l'Unicef, tout ce que l'on négocie sert à financer des activités de terrain.
C'est motivant!"
De même, de nouveaux types de parcours de carrière, hybrides, apparaissent, alors qu'ils auraient été jugés improbables encore récemment.
Chez Pepsico France, fin 2008, Jean-Raphaël Hétier est ainsi passé du poste de directeur des ventes grandes et moyennes surfaces, à celui de directeur logistique et développement durable, et il est devenu membre du comité de direction de PepsiCo France.
A lui de tisser des ponts solides entre ces univers a priori éloignés.
Double casquette : des acheteurs durables
Dans le domaine très normé des achats émergent aussi des fonctions hybrides qui bouleversent la donne.
Ainsi, chez Danone, le directeur des achats pour le pôle produits laitiers frais, Philippe Bassin, assure en parallèle les fonctions de directeur général du Fonds Danone pour l'écosystème, depuis 2010.
"Cela me permet d'innover dans mon métier"! constate le cadre dirigeant, pour lequel la tension entre les deux fonctions est devenue créatrice de valeur.
Depuis, Philippe Bassin confie ainsi être passé "à une logique de cocréation avec nos petits producteurs, notamment nos producteurs de lait ", alors qu'auparavant il " opérait dans une logique de négociation commerciale classique, parfois tendue avec certains fournisseurs, où seule la performance économique de court terme primait".
La logique de cocréation est recherchée entre entreprises et ONG. Ici, la Laiterie du berger, de Danone. T. Haley/ Danone Communities/ Sipa
Attention, ce type de profil demande un degré d'expertise élevé.
"Lorsqu'elles recherchent des acheteurs durables, les entreprises veulent de vrais professionnels des achats, sensibilisés au développement durable et capables de cartographier les fournisseurs dans un secteur donné", explique Jean- Philippe Teboul, directeur du cabinet de recrutement Orientation durable.
Or, "trop de candidats sont certes motivés et bons généralistes du développement durable, mais dépourvus d'objectifs professionnels précis", regrette le recruteur.
Dans le commercial comme dans d'autres secteurs, cultiver une double casquette métier-développement durable est donc impératif.
Un réflexe d'autant plus important à acquérir qu'un nombre croissant d'entreprises intègre leur "écosystème" dans leur démarche.
L'Oréal, par exemple, précise sur son site Internet qu'il entend développer avec ses fournisseurs " des relations basées sur le respect de l'environnement, le développement social et le progrès économique".
Et à la SNCF, la démarche participe de la volonté du groupe d'aller vers davantage d'écomobilité, notamment avec des solutions moins émettrices de CO2.
Là aussi, l'idée est de dépasser la seule rentabilité économique en intégrant à la réflexion "toutes les dimensions environnementales et sociétales", confie Vincent Bouznad, responsable du pôle engagement sociétal à la direction du développement durable.
Et donc de s'assurer que l'environnement sociétal et la biodiversité sont bien pris en compte par toutes les branches et activités du groupe.
Par exemple, en veillant à ce que le plus grand nombre continue d'avoir accès à la mobilité alors que la population vieillit.
Pointus : les experts du "bas de la pyramide"
Une quinzaine de groupes du CAC 40 développent des activités commerciales et solidaires à destination des 4,5 milliards de pauvres qui vivent avec 2 à 8 dollars par jour (parité de pouvoir d'achat).
Appelée "bas de la pyramide" par C. K. Pralahad (co-auteur de The Fortune at the Bottom of the Pyramid: Eradicating Poverty through Profits, Wharton School Publishing, 2004), cette population défavorisée est considérée non comme assistée, mais comme une clientèle à très bas revenus.
Grâce aux services, aux produits et aux emplois générés par les entreprises, elle pourrait améliorer son quotidien, explique en substance Pralahad.
Ce courant de pensée, également porté par Muhammad Yunus, avec le social business, a entraîné dans quelques entreprises la création de postes pointus -et rarissimes- sur cette question du bas de la pyramide.
Lafarge a lancé le projet Logements abordables et a confié son suivi à François Perrot, diplômé de l'Essec et auteur d'une thèse à Polytechnique sur le bas de la pyramide: "En Indonésie, par exemple, nous permettons aux personnes à faibles revenus d'ajouter une pièce supplémentaire dans leur logement pour seulement 2 000 dollars."
Ici, à Medan, en Indonésie, cette femme a pu, grâce à l'obtention d'un microcrédit et à l'accompagnement de Lafarge, agrandir sa maison pour y aménager une épicerie. Lafarge
Ce type de poste nécessite d'avoir des compétences très variées, qui vont au-delà de l'expertise dans le domaine de la microfinance: une très bonne connaissance financière, commerciale; et savoir choisir les solutions de construction qui conviennent.
Il faut aussi s'adapter aux attentes des différents acteurs: ONG, pouvoirs publics, établissements financiers...
A la tête d'une petite équipe de quatre personnes, le trentenaire estime: "Mieux vaut aimer le terrain et savoir travailler en mode transversal avec les commerciaux, les responsables des partenariats, les chercheurs, et avoir multiplié les expériences à l'international, notamment dans les pays en développement."
Des postes de délégués aux innovations sociétales apparaissent.
Ainsi, chez Veolia, Olivier Gilbert orchestre le programme Eau solidaire pour les personnes qui rencontrent des difficultés pour régler leur facture:
"Je coordonne les métiers de Veolia pour adapter les services aux clients à faibles revenus et faire en sorte que notre offre bénéficie au plus grand nombre."
Consultants dans l'économie sociale et solidaire
Les traditionnels acteurs du conseil comme KPMG, Accenture, A.T. Kearney, BearingPoint et PwC développent une expertise en matière d'économie sociale et solidaire.
Ainsi, depuis trois ans, le secteur non-marchand de KPMG fait intervenir quelque 500 consultants du cabinet auprès des entreprises clientes.
Leurs missions incluent l'évaluation externe, l'ingénierie de projet ou encore la mesure de l'impact social.
Bernard Bazillon, associé et directeur national Economie sociale & solidaire dans ce groupe, exhorte les professionnels se destinant à ce métier à évoluer, "à ne plus jouer en solo, mais au contraire à aller vers un mode de travail transversal de partage d'informations et de compétences".
A ses yeux, "un consultant de l'économie sociale et solidaire doit jouer les go-between afin de mettre en contact les porteurs de projets avec des entreprises et des financiers, lesquels ne connaissent souvent pas bien ce milieu, voire pas du tout".
Pauline Johner Heuzé de Social Business Factory
A côté des grands cabinets de conseil se multiplient les petites structures indépendantes, comme Social Business Factory ou Be-Linked, spécialisées dans la mise en relation des entreprises et des ONG.
Pour Marion Vallet-Moison, cofondatrice avec Pauline Johner Heuzé de Social Business Factory, "le consultant doit savoir décloisonner les milieux et créer des liens".
En effet, en matière d'innovation sociale, "la seule chose qui fonctionne, c'est de mettre tout le monde -secteurs privé et public, financiers, porteurs de projets...- autour d'une même table pour dialoguer", confie cette diplômée d'HEC, qui s'appuie au quotidien sur son expérience dans le secteur marchand et sur son carnet d'adresses.
Pour autant, là encore, les places sont chères.
Et gagner sa vie dans le conseil en innovation sociale demande de s'accrocher.
"Il faut se méfier des modes!", exhorte Maximilien Rouer, président de BeCitizen, un cabinet de conseil stratégique en développement durable (DD).
Créé en 2000, il accompagne des grands comptes, comme Nexity Foncier Conseil, PSA Peugeot Citroën, SanofiAventis...:
"Avoir de bonnes idées en développement durable ne suffit pas, il faut aussi les appliquer à toutes les étapes de la production. "Or, en cette période de crise, "faire aboutir les projets liés au DD ne figure pas en tête des priorités des entreprises", constate cet expert du conseil.
Marketeurs et communicants engagés...
Le développement durable et la quête de sens au travail "pollinisent" aussi les métiers du marketing et de la communication.
Mais là aussi, si les convictions sont importantes, c'est avant tout le savoir-faire technique qui prime.
Chargée de communication au sein de l'association Finansol, spécialiste de la finance solidaire, Eve Bénichou témoigne:
"Si les objectifs diffèrent, le coeur du métier est le même qu'ailleurs, il faut être compétent et professionnel."
Ancien cadre de grands groupes, Laurent Muratet a accepté une baisse de rémunération pour devenir directeur marketing et communication chez le distributeur de produits équitables AlterEco (une cinquantaine de salariés).
Intégrer le monde solidaire ne signifie pas des journées à bayer aux corneilles.
Au contraire. "Je ne me contente pas de promouvoir le produit fini, témoigne le trentenaire. Je voyage aussi beaucoup pour rencontrer les producteurs, coopératives et transformateurs, comprendre leurs attentes et leurs modes de travail".
Pour l'entreprise, qui distribue ses produits en magasin, "il est en effet important de pouvoir expliquer au consommateur la provenance de chaque article et sa qualité", ajoute-t-il.
Enfin, les communicants sont actuellement convoités pour promouvoir les actions liées à la responsabilité sociale des entreprises ou à la conformité des activités avec la norme ISO 26000 relative à la responsabilité sociétale des organisations.
Responsables de l'égalité des chances, de la diversité...
Dans les entreprises se multiplient les postes de chargés de l'égalité des chances, de directeurs de la diversité ou des responsabilités sociétales, ou encore des missions de responsables des enjeux sociaux et sociétaux.
Certains cabinets de recrutement, comme Birdeo, mettent à la disposition des entreprises et collectivités territoriales des experts en environnement et en développement durable.
Et d'autres structures, telle Mozaik RH, se sont spécialisées dans la promotion de l'égalité des chances et de la diversité, afin de faciliter les embauches des jeunes diplômés issus des quartiers populaires.
Avec des succès notables: afin de pourvoir plus de postes équitables, Mozaik RH propose notamment des candidatures "diversifiées" au Crédit Agricole et met à sa disposition une "CVtèque de stagiaires et de candidats à l'alternance".
La preuve que le développement n'est plus l'apanage de quelques-uns.
Allez, sur ces bonnes nouvelles, au plaisir de vous lire... Enjoy !
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